Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/530

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Et comme, dans son exaspération, elle refusait au misérable ce qu’il demandait :

— C’est-à-dire que je crèverais de faim pendant que vous faites la noce !… s’écria-t-il. Pas si bête ! De la monnaie, et vite, ou je crie tout ce que je sais !

Que faire ? céder. La duchesse s’exécuta, comme toujours.

Et cependant, il devenait de jour en jour plus insatiable.

L’argent ne tenait pas plus dans ses poches que l’eau dans un crible.

Qu’en faisait-il ?… Sans doute, il l’éparpillait sans en comprendre la valeur, il le gaspillait insoucieusement et stupidement, comme le voleur qui a fait un beau coup, que l’or grise, et qui d’ailleurs se croit riche de tout ce qu’il y a à voler au monde.

Lui faisait un beau coup tous les jours…

N’importe ! c’était à n’y rien comprendre, car il n’avait même pas eu l’idée de hausser ses vices aux proportions de la fortune qu’il prodiguait. Il ne songeait même pas à se vêtir proprement, il semblait à la mendicité.

Il restait fidèle à la boue et à la plus basse crapule. Peut-être ne se soûlait-il à l’aise que dans un bouge ignoble. Il lui fallait pour compagnons les plus dégoûtants gredins, les plus abjects et les plus vils.

C’est à ce point qu’une nuit il fut arrêté dans un endroit immonde. La police, émue de voir tant d’or entre les mains d’un tel misérable, crut à un crime. Il nomma la duchesse de Sairmeuse.

Martial était à Vienne à ce moment, par bonheur, car le lendemain un inspecteur de la Préfecture se présenta à l’hôtel…

Et Mme Blanche subit cette atroce humiliation de confesser que c’était elle, en effet, qui avait remis une grosse somme à cet homme, dont elle avait connu la famille, ajoutait-elle, et qui lui avait rendu des services autrefois…