Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/536

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La maladie ne dura que trois jours, mais l’agonie fut effroyable.

Les approches de la mort éclairèrent de lueurs terribles la conscience de la parente pauvre. Elle comprit qu’ayant profité et même abusé du crime de sa nièce, elle était coupable autant que si elle l’eût aidée à le commettre. Elle avait été très-pieuse, autrefois ; la foi lui revint avec son cortège de terreurs.

— Je suis damnée !… criait-elle ; je suis damnée !…

Elle se débattait sur son lit, elle se tordait comme si elle eût vu l’enfer s’entr’ouvrir pour l’engloutir. Elle hurlait comme si déjà elle eût senti les morsures des flammes.

Puis elle appelait la sainte vierge et tous les saints à son secours. Elle priait Dieu de la laisser vivre encore un peu pour se repentir, pour expier… Elle demandait un prêtre, jurant qu’elle ferait une confession publique.

Plus pâle que la mourante, mais implacable, Mme Blanche veillait, aidée par celle de ses femmes en qui elle avait le plus confiance.

— Si cela dure, pensait-elle, je suis perdue… Je serai forcée d’appeler quelqu’un, et cette malheureuse dira tout.

Cela ne dura pas.

Le délire ne tarda pas à s’emparer de tante Médie, puis un anéantissement survint, si profond, qu’on pouvait croire à toute minute qu’elle allait passer.

Cependant, vers le milieu de la nuit, elle parut se ranimer et reprendre connaissance.

Elle se tourna péniblement vers sa nièce, et d’une voix où vibraient ses dernières forces :

— Tu n’as pas eu pitié de moi, Blanche, dit-elle, tu veux me perdre dans l’autre vie comme dans celle-ci… Dieu te punira. Tu mourras désespérée, toi aussi, seule, comme un chien… Sois maudite !

Et elle expira. Deux heures sonnaient.

Il était loin, le temps où Mme Blanche eût donné quel-