Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/553

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Ces complices devaient ouvrir la scène ; lui n’apparaîtrait que pour le dénoûment.

— Tout est bien combiné, pensait-il, « la mécanique marchera. »

« La mécanique, » ainsi qu’il le disait, faillit cependant ne pas marcher.

Mme Blanche, en recevant l’assignation de la Chupin, eut une velléité de révolte. L’heure insolite, l’endroit désigné l’épouvantaient…

Elle se résigna cependant, et le soir venu, elle s’échappait furtivement de l’hôtel, emmenant Camille, cette femme de chambre qui avait assisté à l’agonie de tante Médie.

La duchesse et sa camériste s’étaient vêtues comme les malheureuses de la plus abjecte condition, et, certes, elles se croyaient bien sûres de n’être ni épiées, ni reconnues, ni vues…

Et cependant un homme les guettait, qui s’élança sur leurs traces : Martial…

Informé avant sa femme, de ce rendez-vous, il avait lui aussi endossé un déguisement, ce costume d’ouvrier des ports, que lui avait procuré Otto. Et comme il était dans son caractère de pousser jusqu’à la dernière perfection tout ce qu’il entreprenait, il avait véritablement réussi à se rendre méconnaissable. Il avait sali et emmêlé ses cheveux et sa barbe, et souillé ses mains de terre. Il était, enfin, l’homme des haillons qu’il portait.

Otto l’avait conjuré de lui permettre de le suivre, il avait refusé, disant que le revolver qu’il emportait suffisait à sa sûreté. Mais il connaissait assez Otto pour savoir qu’il désobéirait…

Dix heures sonnaient quand Mme Blanche et Camille se mirent en route, et il ne leur fallut pas cinq minutes pour gagner la rue Taranne.

Il y avait un fiacre à la station, un seul…

Elles y montèrent et il partit.

Cette circonstance arracha à Martial un juron digne