Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/564

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Mais le vieux policier n’avait point d’enthousiasme.

— Oui, vous aviez raison ! répondit-il d’un ton piteux.

— Qu’est-ce qui nous a perdus ? Trois fausses manœuvres. Eh bien ! je saurai changer en victoire notre échec d’aujourd’hui.

— Ah !… vous en êtes bien capable… si on ne nous met pas à pied.

Cette réflexion chagrine rappela brusquement Lecoq au juste sentiment de la situation présente.

Elle n’était pas brillante, mais elle n’était pas non plus si compromise que le disait le père Absinthe.

Qu’était-il arrivé, en résumé ?

Ils avaient laissé un prévenu leur glisser entre les doigts… c’était fâcheux ; mais ils avaient empoigné et ils ramenaient un malfaiteur des plus dangereux, Joseph Couturier… il y avait compensation.

Cependant si Lecoq ne voyait pas de mise à pied a craindre, il tremblait qu’on ne lui refusât les moyens de suivre cette affaire de la Poivrière.

Que lui répondrait-on, quand il affirmerait que Mai et le duc de Sairmeuse ne faisaient qu’un ?

On hausserait les épaules, sans doute, et on lui rirait au nez.

— Cependant, pensait-il, M. Segmuller, le juge d’instruction, me comprendra, lui. Mais osera-t-il, sur de simples présomptions, aller de l’avant ?

C’était bien peu probable, et Lecoq ne le comprenait que trop.

— On pourrait, continuait-il, imaginer un prétexte pour une descente de justice à l’hôtel de Sairmeuse, on demanderait le duc, il serait obligé de se montrer, et en lui on reconnaîtrait Mai.

Il resta un moment sur cette idée, puis tout à coup :

— Mauvais moyen ! reprit-il, maladroit, pitoyable !… Ce n’est pas deux lapins tels que ce duc et son complice qu’on prend sans vert. Il est impossible qu’ils n’aient pas