Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/566

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court devant un commissionnaire adossé à la boutique d’un marchand de vins.

— Mon ami, lui dit-il, vous allez vous rendre à l’hôtel de Sairmeuse, vous demanderez Camille, et vous lui direz que son oncle l’attend ici…

— Mais, Monsieur…

— Comment, vous n’êtes pas encore parti !

Le commissionnaire s’éloigna. Lecoq avait arrangé sa phrase de telle sorte qu’elle s’appliquait indifféremment à un homme ou à une femme.

Les deux policiers étaient entrés chez le marchand de vins, et le père Absinthe avait eu bien juste le temps d’avaler un petit verre, quand le commissionnaire reparut.

— Monsieur, dit-il, je n’ai pas pu parler à Mlle Camille….

— Bon !… pensa Lecoq, c’est une femme de chambre.

— L’hôtel est sens dessus dessous, vu que Mme la duchesse est décédée de mort subite ce matin.

— Ah !… le gredin !… s’écria le jeune policier.

Et, se maîtrisant, il ajouta mentalement :

— Il aura assassiné sa femme en rentrant… mais il est pincé. Maintenant j’obtiendrai l’autorisation de continuer mes recherches.

Moins de vingt minutes après, il arrivait au Palais de Justice.

Faut-il le dire ? M. Segmuller ne parut pas démesurément surpris de la surprenante révélation de Lecoq. Cependant il écoutait avec une visible hésitation l’ingénieuse déduction du jeune policier ; ce fut la circonstance du sansonnet qui le décida.

— Peut-être avez-vous deviné juste, mon cher Lecoq, dit-il, et même là, franchement, votre opinion est la mienne… Mais la justice, en une circonstance si délicate, ne peut marcher qu’à coup sûr… C’est à la police, c’est à vous de rechercher, de réunir des preuves tellement