Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/567

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accablantes que le duc de Sairmeuse ne puisse avoir seulement l’idée de nier…

— Eh ! monsieur, mes chefs ne me permettront pas…

— Ils vous donneront toutes les permissions possibles, mon ami, quand je leur aurai parlé.

Il y avait quelque courage de la part de M. Segmuller à agir ainsi. On avait tant ri, au Palais, on s’était tellement égayé de cette histoire de soi-disant grand seigneur déguisé en pitre, que beaucoup eussent sacrifié leur conviction à la peur du ridicule.

— Et quand parlerez-vous, monsieur, demanda timidement Lecoq.

— À l’instant même.

Le juge ouvrait déjà la porte de son cabinet, le jeune policier l’arrêta.

— J’aurais encore, monsieur, supplia-t-il, une grâce à vous demander… vous êtes si bon, vous êtes le premier qui ayez foi en moi.

— Parlez, mon brave garçon.

— Eh bien ! monsieur, je vous demanderais un mot pour M. d’Escorval… Oh ! un mot insignifiant, lui annonçant par exemple l’évasion du prévenu… je porterais ce mot, et alors… Oh ! ne craignez rien, monsieur, je serai prudent.

— Soit !… fit le juge, allons, venez !…

Quand il sortit du bureau de son chef, Lecoq avait toutes les autorisations imaginables, et de plus il avait en poche un billet de M. Segmuller à M. d’Escorval. Sa joie était si grande, qu’il ne daigna pas remarquer les lazzis qu’il recueillit le long des couloirs de la Préfecture. Mais sur le seuil, son ennemi Gévrol, dit le Général, le guettait…

— Eh ! eh !… fit-il quand passa Lecoq, il y a comme cela des malins qui partent pour la pêche à la baleine, et qui ne rapportent même pas un goujon.

Du coup, Lecoq fut piqué. Il se retourna brusquement,