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ma vie. Hier s’est empoisonnée la misérable qui avait empoisonné ma sœur… Pauvre Marie-Anne !… elle eût été plus terriblement vengée si un accident qui m’est arrivé n’eût sauvé le duc et la duchesse de Sairmeuse du piège où je les avais attirés…

JEAN LACHENEUR.

Lecoq eut comme un éblouissement.

Maintenant, il entrevoyait le drame terrible qui s’était dénoué dans le cabaret de la Chupin…

— Il n’y a pas à hésiter, il faut partir pour Sairmeuse, se dit-il, là je saurai tout !…

Et il se retira sans avoir parlé à M. d’Escorval. Il avait résisté à la tentation de s’emparer de la lettre.




C’était un mois, jour pour jour, après la mort de Mme Blanche.

Étendu sur un divan, dans sa bibliothèque, le duc de Sairmeuse lisait, quand son valet de chambre Otto vint lui annoncer un commissionnaire chargé de lui remettre en mains propres une lettre de M. Maurice d’Escorval.

D’un bond, Martial fut debout.

— Est-ce possible ! s’écria-t-il.

Et vivement :

— Qu’il entre, ce commissionnaire.

Un gros homme, rouge de visage, de cheveux et de barbe, tout habillé de velours bleu blanchi par l’usage, se présenta tendant timidement une lettre.

Martial brisa le cachet et lut :


Je vous ai sauvé, Monsieur le duc, en ne reconnaissant pas le prévenu Mai. À votre tour, aidez-moi !… Il me faut pour après-demain, avant midi, 260,000 francs.

J’ai assez confiance en votre honneur pour vous écrire ceci, moi !…

MAURICE D’ESCORVAL.