Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/65

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— Que me chantiez-vous donc, curé ? disait-il à l’abbé Midon. Comment avez-vous pu me peindre vos populations comme mal disposées pour nous ? Ce serait à croire, jarnibleu ! que les mauvaises dispositions n’existent que dans votre esprit et votre cœur.

L’abbé Midon se taisait. Qu’eût-il pu répondre !…

Il ne concevait rien à ce revirement brusque de l’opinion, à cette allégresse soudaine, succédant au plus sombre mécontentement.

— Il y a quelqu’un sous tout ceci !… pensait-il.

Ce quelqu’un ne tarda pas à se révéler.

Enhardi par son succès, Chupin osa se présenter au presbytère.

Il s’avança dans le salon, l’échine arrondie en cerceau, humble, rampant, l’œil plein des plus viles soumissions, un sourire obséquieux aux lèvres.

Et, par l’entre-bâillement de la porte, on apercevait dans l’ombre du corridor le profil peu rassurant de ses deux fils.

Il venait en ambassadeur, il le déclara après une interminable litanie de protestations. Il venait conjurer « monseigneur » de se montrer sur la place.

— Eh bien !… Oui ! s’écria le duc en se levant, oui, je veux me rendre aux désirs de ces bonnes gens !… Suivez-moi, marquis !

Il parut sur le seuil de la porte de la cure, et aussitôt un immense hurrah s’éleva, tous les fusils des pompiers furent déchargés en l’air, les pierriers firent feu… Jamais Sairmeuse n’avait ouï pareil fracas d’artillerie. Il y eut trois vitres de cassées au Bœuf couronné.

Véritable grand seigneur, M. le duc de Sairmeuse sut garder sa froideur hautaine et indifférente, — s’émouvoir est du commun — mais en réalité il était ravi, transporté.

Si ravi qu’il chercha vite comment récompenser cet accueil.

Un simple coup d’œil jeté sur les titres remis par La-