Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/81

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Lacheneur n’avait-il pas tout respecté !… Le duc retrouvait toutes choses vieillies comme lui, fanées, mais pieusement conservées, laissées en leur place et telles pour ainsi dire qu’il les avait quittées.

Lorsqu’il eut tout vu :

— Décidément, marquis, s’écria-t-il, ce Lacheneur n’est pas un aussi mauvais drôle que je pensais. Je suis disposé à lui pardonner beaucoup, en faveur du soin qu’il a pris de notre maison en notre absence…

Martial resta sérieux.

— Moi je ferais mieux, monsieur, dit-il, je remercierais cet homme par une belle et large indemnité.

Ce mot fit bondir le duc.

— Une indemnité !… s’écria-t-il. Devenez-vous fou, marquis ? Eh bien ! et mes revenus ?… N’ouïtes-vous pas le calcul que nous fit hier soir le chevalier de La Livandière ?…

— Le chevalier n’est qu’un sot !… déclara Martial. Il a oublié que Lacheneur a triplé la valeur de Sairmeuse. Je crois qu’il est de notre dignité de faire tenir à cet homme une indemnité de cent mille francs… ce sera d’ailleurs d’une bonne politique en l’état des esprits, et Sa Majesté vous en saura gré…

Politique… état des esprits… Sa Majesté… On eût obtenu bien des choses de M. de Sairmeuse avec ces six mots.

— Jarnibieu !… s’écria-t-il, cent mille livres !… comme vous y allez !… Vous en parlez à votre aise, avec votre fortune !… Cependant, si c’est bien votre avis…

— Eh !… monsieur, ma fortune n’est-elle pas la vôtre !… Oui, je vous ai bien dit mon opinion. C’est à ce point que, si vous le permettez, je verrai Lacheneur moi-même et je m’arrangerai de façon à ne pas blesser sa fierté. C’est un dévouement qu’il nous faut conserver…

Le duc ouvrait des yeux immenses.

— La fierté de Lacheneur !… murmura-t-il. Un dévouement à conserver… Que me chantez-vous là ?… D’où vous vient cet intérêt extraordinaire ?…