Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/90

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rice… Mon père a eu hier l’honneur de demander pour moi à M. Lacheneur la main de sa fille…

— Et je l’ai refusée !… cria une voix terrible.

Marie-Anne et les deux jeunes gens se retournèrent avec un même mouvement de surprise et d’effroi.

M. Lacheneur était là devant eux, et à ses côtés se tenait Chanlouineau qui roulait des yeux menaçants.

— Oui, je l’ai refusée, reprit M. Lacheneur, et je ne prévoyais pas que ma fille irait jamais contre mes volontés… Que m’avez-vous juré ce matin, Marie-Anne ?… Est-ce bien vous… vous, qui donnez des rendez-vous aux galants dans les bois !… Rentrez à la maison, à l’instant…

— Mon père…

— Rentrez !… insista-t-il en jurant, rentrez, je l’ordonne.

Elle obéit et s’éloigna, non sans avoir adressé à Maurice un regard où se lisait un adieu qu’elle croyait devoir être éternel.

Dès qu’elle fut à vingt pas, M. Lacheneur vint se placer devant Maurice, les bras croisés :

— Quant à vous, monsieur d’Escorval, dit-il rudement, j’espère ne plus vous reprendre à rôder autour de ma fille…

— Je vous jure, monsieur…

— Oh !… pas de serments. C’est une mauvaise action que de détourner une jeune fille de son devoir, qui est l’obéissance… Vous venez de rompre à tout jamais toutes relations entre votre famille et la mienne…

Le pauvre garçon essaya encore de se disculper, mais M. Lacheneur l’interrompit.

— Assez, croyez-moi, reprenez le chemin de votre logis.

Et Maurice hésitant, il le saisit au collet et le porta presque jusqu’au sentier qui traversait le bois de la Rèche.

Ce fut l’affaire de dix secondes, et cependant il eut le temps de lui dire à l’oreille, et de son ton amical d’autrefois :