Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais allez-vous-en donc, petit malheureux !… voulez-vous rendre toutes mes précautions inutiles !…

Il suivit de l’œil Maurice, qui se retirait tout étourdi de cette scène, stupéfié de ce qu’il venait d’entendre, et c’est seulement quand il le vit hors de la portée de la voix qu’il revint à Martial.

— Puisque j’ai l’honneur de vous rencontrer, monsieur le marquis, dit-il, je dois vous avertir que Chupin et un de ses fils vous cherchent partout… C’est de la part de M. le duc qui vous attend pour se rendre au château de Courtomieu.

Il se retourna vers Chanlouineau, et ajouta :

— Et nous, en route !…

Mais Martial l’arrêta d’un geste.

— Je suis bien surpris qu’on me cherche, dit-il. Mon père sait bien où il m’a envoyé… J’allais chez vous, monsieur, et de sa part…

— Chez moi ?…

— Chez vous, oui, monsieur, et je m’y rendais pour vous porter l’expression de nos regrets sincères de la scène qui a eu lieu chez le curé Midon…

Et sans attendre une réponse, Martial, avec une extrême habileté et un rare bonheur d’expression, se mit à répéter au père l’histoire qu’il venait de conter à la fille.

À l’entendre, son père et lui étaient désespérés… Se pouvait-il que M. Lacheneur eût cru à une ingratitude si noire… Pourquoi s’était-il retiré si précipitamment ?… Le duc de Sairmeuse tenait à sa disposition telle somme qu’il lui plairait de fixer, soixante, cent mille francs, davantage même…

Cependant M. Lacheneur ne semblait pas ébloui, et quand Martial eut fini, il répondit respectueusement mais froidement qu’il réfléchirait.

Cette froideur devait stupéfier Chanlouineau ; il ne le cacha pas dès que le marquis de Sairmeuse se fut retiré après force protestations.

— Nous avions mal jugé ces gens-là, déclara-t-il.