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don Mariano, qu’il ne viendra que demain dans son canot. »

En achevant ces mots, la suivante sortit.

« En canot ! s’écria Marianita, passant avec une égale rapidité de l’angoisse à la joie. C’est vrai, au fait, Gertrudis ; nous voguerons en canot sur la plaine, et nous nous couronnerons de fleurs dans notre barque pavoisée. »

Mais Marianita se reprocha tout aussi vite cet accès d’égoïsme frivole à l’aspect de sa sœur, qui enveloppée de sa longue chevelure qu’elle ne prenait plus souci d’empêcher de flotter, s’était agenouillée comme la Vierge aux sept douleurs, et priait aux pieds d’une image de madone pour le salut de don Rafael.

Marianita comprit ce qu’elle n’avait pas compris jusqu’alors, c’est que la femme ne prie avec tant de ferveur que pour l’homme qu’elle aime. Elle s’agenouilla près de sa sœur et mêla ses prières aux siennes, tandis que les tintements lugubres de la cloche continuaient à jeter leur sinistre avertissement aux quatre points de l’horizon.

« Oh ! ma pauvre Gertrudis ! s’écria Marianita en pressant sa sœur dans ses bras et l’embrassant tendrement ; puis, se servant dé sa chevelure pour effacer ses larmes : Pardonne-moi de n’avoir pas deviné que pendant que mon cœur se réjouissait, le tien se brisait. Don Rafael, tu l’aimes donc ?

— S’il meurt, je mourrai ! voilà tout ce que je sais, repartit Gertrudis.

— Dieu le protégera, sois tranquille ; peut-être lui enverra-t-il un de ses messagers pour le sauver ! » s’écria Marianita dans l’élan de sa foi naïve.

Marianita mêla quelque temps encore ses consolations aux sanglots de sa sœur, ses prières aux siennes, et comme l’obscurité allait bientôt venir :

« Mets-toi à la fenêtre pendant que je prierai encore !