Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/103

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s’écria Gertrudis ; interroge la plaine, car les larmes troublent ma vue. »

Marianita obéit, et Gertrudis s’agenouilla de nouveau sous l’image sainte.

Mais la brume dorée de la plaine se ternissait en un violet pâle, et aucun cavalier n’apparaissait à l’horizon désert.

« Le cheval qu’il monte doit être son bai brun ! s’écria Gertrudis en interrompant ses prières ferventes. Don Rafael sait combien j’aimais ce noble cheval, son cheval de bataille dans les guerres indiennes. C’est celui qu’il aura voulu monter pour venir vers moi ; car il sait que, bien souvent j’ai détaché les fleurs de mes cheveux pour les suspendre à son frontail. Ô sainte Vierge ! ô Jésus, mon doux maître ! don Rafael, mon beau chevalier, qui te ramènera vers moi ? » continuait la jeune fille en faisant succéder les élans de sa passion aux élans de sa prière.

La plaine s’assombrissait toujours, Gertrudis priait encore ; puis bientôt la lune laissa tomber du haut du ciel ses pâles et sereines clartés, sans qu’un être vivant vînt dessiner son ombre à côté de l’ombre des palmiers, projetée seule sur le terrain blanchi.

« Il aura été prévenu à temps, il ne se sera pas mis en route, dit Marianita.

— Tu te trompes, tu te trompes, répondit Gertrudis en tordant ses mains crispées par l’angoisse. Je le connais, je juge son cœur d’après le mien ; un jour de plus lui aura paru trop long, et il aura bravé le danger pour me voir quelques heures plus tôt. »

Le lecteur sait si le cœur de la jeune créole l’avertissait faussement.

Tout à coup, pendant que la cloche continuait à vibrer avec force, les grondements lointains qu’allait bientôt entendre don Rafael lui-même se mêlèrent à la voix lugubre du bronze, et tout à coup aussi, pendant ce si-