Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/106

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— Ces deux cavaliers montent des chevaux noirs comme la nuit, reprit Marianita ; l’un d’eux est ferme en selle comme un centaure, mais il est petit… Ah ! son costume est celui d’un muletier ; tu vois que celui-là n’est pas don Rafael.

— L’autre ! distingues-tu l’autre ? » dit Gertrudis d’une voix si faible qu’on l’entendait à peine.

Marianita garda le silence une minute.

« L’autre, répondit-elle, a la tête de plus que le premier ; il est penché sur l’encolure de son cheval ; je ne vois pas ses traits. Ah ! il relève la tête, il est aussi ferme que le premier sur sa selle. Il a la figure fière, d’épaisses moustaches, et d’ici son œil semble étinceler sous le galon d’or de son chapeau. Le péril ne l’intimide pas. Ah ! c’est un noble et beau cavalier.

— C’est lui ! » dit Gertrudis avec un cri perçant qui domina le grondement des eaux.

Elle se leva vivement, obéissant à une impulsion irrésistible, comme pour s’élancer vers la fenêtre et voir encore une fois celui qui allait mourir ; mais ses forces trahirent sa volonté : elle ne put que retomber à genoux dans sa suppliante attitude.

« Jésus ! reprit Marianita glacée par l’épouvante, encore un bond de leurs chevaux et les voilà sauvés ! Ah ! il n’est plus temps ! ajouta-t-elle avec angoisse ; voici les eaux ! Vierge du paradis ! qu’elles sont effrayantes avec leur crête d’écume rouge et leurs rugissements ! Les voilà qui battent la muraille ! Mère de Dieu ! protégez ces deux hommes intrépides ! Ils se tiennent la main… Ils enfoncent l’éperon dans le flanc de leurs chevaux… ils regardent la mort en face… ils fondent sur les eaux le front haut, comme des chevaliers qui chargent l’ennemi… Entends-tu, Gertrudis ? l’un d’eux, le plus petit, chante un cantique, comme les premiers chrétiens devant les lions du cirque romain. »

Les deux sœurs entendirent en effet une voix mâle