Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/108

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le plus propre à désarmer le courroux du ciel.

Comme si ce vœu venait d’y être enregistré, Marianita, qui ne l’avait pas entendu sans frémir, poursuivit après une courte pause :

« Béni soit Dieu ! Gertrudis ; béni soit-il, celui qui sait convertir un instrument de perdition en un instrument de salut ! Dix lazos viennent d’enlacer à la fois les racines et les branchages de l’arbre ; la fureur des eaux ne peut plus rien sur lui, il est comme un radeau flottant. Le beau cavalier pourrait s’élancer sur son tronc, mais il ne veut abandonner ni le noble animal dont la vigueur l’a sauvé, ni l’homme qu’il tient dans ses bras. Le torrent gronde autour de lui, ses flots couvrent sa tête… il ne lâche pas prise…

— Achève, Marianita, ou je meurs ! murmura Gertrudis.

— Un brouillard est sur mes yeux, reprit celle-ci, les eaux semblent rouler des flots de feu… Sois fière de celui que tu aimes, Gertrudis, le noble cavalier n’a plus rien à craindre… Écoute ces cris de triomphe ! Tous sont sauvés, les cavaliers et le cheval qu’ils montent. »

Une acclamation de joie dont retentit l’hacienda fit explosion à la fois sur les terrasses et le long du mur d’enceinte, et vint confirmer les paroles de Marianita.

Les deux sœurs se tinrent un moment embrassées ; puis Marianita, rassemblant dans sa main un soyeux faisceau des longs cheveux de Gertrudis et le pressant tendrement contre ses lèvres :

« Oh ! dit-elle en poussant un soupir de regret, tes pauvres beaux cheveux qui valaient un royaume !

— Ne vois-tu pas, reprit Gertrudis avec un radieux sourire, que c’est lui du moins qui les coupera sur ma tête ? »