Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/117

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Absorbés par leur singulière préoccupation, ni Costal ni Clara n’avaient encore aperçu don Cornelio, tapi dans son hamac, où il n’osait faire un mouvement. Cependant, le cri étouffé d’une voix humaine venait de frapper leurs oreilles.

« Avez-vous entendu, Costal ? s’écria le noir.

— Oui, comme un cri ; c’est sans doute le pauvre diable d’étudiant qui nous appelle. Mais où donc est-il ? Je ne vois qu’un hamac suspendu entre ces deux tamariniers, là-bas… Eh ! il est dedans, parbleu ! »

Costal fit entendre un formidable éclat de rire, que l’étudiant accueillit comme une musique du ciel. On l’avait vu, sans doute, et il rendit à Dieu de ferventes actions de grâces.

Clara partageait l’hilarité de l’Indien, quand une musique d’un genre tout différent vint glacer le rire sur ses lèvres.

« Encore ! » s’écria-t-il avec effroi en entendant gronder au-dessus de la surface des eaux un morceau d’ensemble modulé par les quatre jaguars postés au-dessus de la tête de l’étudiant.

Le cri poussé par lui avait excité les rugissements des tigres, auxquels se mêlait aussi le sifflement des serpents enlacés aux branches des arbres.

« C’est étrange ! dit l’Indien, ces rugissements partent du même côté que la voix de cet homme ! Eh ! seigneur étudiant ! cria-t-il à Lantejas, êtes-vous seul à faire votre sieste, à l’ombre de ces tamariniers ? »

Mais l’étudiant ne répondit à Costal que par un cri inintelligible ; il était incapable de prononcer un seul mot, tant la terreur profonde qu’il éprouvait paralysait sa langue.

Son bras tremblant s’éleva seul au-dessus du hamac, pour indiquer à l’Indien les terribles hôtes de ses deux tamariniers. Toutefois l’épaisseur du feuillage, en dérobant les jaguars à l’œil de Costal, rendit le