Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous dirons que le jour vint enfin, et que toute une nichée de jaguars, mâle, femelle et petits, lui apparut à la cime des arbres dont il occupait le milieu, et que, non loin d’eux, de longs et hideux serpents effrayés s’enroulaient aux branches.

Au-dessous de lui s’épandait une mer houleuse, aux flots jaunis, où tourbillonnaient des arbres déracinés, emportant avec eux des daims effarouchés, au-dessus desquels des oiseaux de proie planaient en poussant des cris perçants.

Partout un spectacle horrible de désolation et de mort ; à de fréquents intervalles, l’instinct féroce des jaguars affamés luttait contre leur frayeur à l’aspect d’une proie presque à leur portée ; mais la terreur l’emportait, et Lantejas les voyait refermer leurs yeux comme pour échappera la tentation de le dévorer.

Puis les serpents, de leur côté, enroulaient et déroulaient sans cesse leurs corps visqueux au-dessus de lui, terrifiés par la présence de l’homme et des jaguars.

Plusieurs heures s’étaient bien longuement écoulées, pendant lesquelles le lac, sans cesser d’être gonflé, était devenu moins agité, lorsqu’il crut entendre sur la surface des eaux un bruit que cette fois il ne sut comment définir. C’était retentissant comme le son d’une trompette de guerre ou grave comme le rugissement que faisaient parfois entendre les deux formidables voisins de l’étudiant.

À cette étrange mélodie, on a reconnu le son de la conque marine de Costal, qui, chemin faisant, évoquait encore, à tout hasard, la présence de la déesse des eaux.

Bientôt l’étudiant distingua dans le lointain, et dansant sur la houle, la petite embarcation montée par les deux associés. De temps à autre l’Indien, accoutumé à cette dangereuse navigation, lâchait ses avirons pour emboucher l’instrument, dont Lantejas entendait l’inexplicable harmonie.