Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/121

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Dios me libre[1] ! s’écria le nègre, les peaux n’auraient qu’à vivre encore. Qu’elles aillent au diable ! Et vous, Costal, faites-moi donc le plaisir de ramer vers moi ; je n’ai nul souci de remonter en canot sous ces festons de serpents à sonnettes.

— Voyez-vous la petite-maîtresse, dit l’Indien en dirigeant la pirogue vers Clara, qui ne put y reprendre pied, qu’avec grand risque de la faire chavirer.

— Jésus Dieu ! soupira don Cornelio, qui retrouvait enfin la parole, mais qui, les sens encore troublés, ne se voyait pas sans quelque appréhension entre ces deux inconnus, l’un rouge, l’autre noir, tous deux ruisselants d’eau et les cheveux couverts d’une fange jaunâtre.

— Eh ! seigneur, étudiant, reprit Clara d’un ton de bonne humeur, c’est là tout ce que vous dites à Costal pour le remercier du service qu’il vient de vous rendre ?

— Excusez-moi. J’avais tellement peur ! répondit Lantejas, qui, sa tranquillité d’esprit une fois reconquise, commença par rendre avec une ferveur exemplaire des actions de grâces au tigrero, et finit en le complimentant sur le bonheur qu’il avait eu d’échapper aux dangers qu’il venait de courir.

— C’est ma foi vrai, répliqua l’Indien. J’étais tout en sueur, et cette eau qui vient des montagnes est si glaciale, que j’aurais fort bien pu y attraper une pleurésie. »

L’étudiant regarda avec un étonnement naïf l’homme assez intrépide pour penser que le seul danger qui le menaçât pendant sa lutte dans l’eau avec un animal furieux fût une fluxion de poitrine.

« Qui êtes-vous donc ? s’écria-t-il.

— Le tigrero du seigneur don Matias de la Zanca jadis, aujourd’hui celui du seigneur don Mariano Silva.

— Don Matias de la Zanca ? dit l’étudiant ; mais c’est mon oncle.

  1. Dieu m’en garde.