Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

complètement en sûreté, l’effroyable nuit, passée sous une guirlande de tigres et de serpents à sonnettes, et les risques non moins terribles qu’il avait courus pendant que Costal travaillait à sa délivrance, s’était consciencieusement laissé aller à un accès de fièvre qui le retenait au lit.

La seconde, Marianita, sous prétexte de jeter un coup d’œil sur la vallée convertie en un vaste lac, mais, en réalité, pour s’assurer si la barque de don Fernando n’apparaissait pas au loin sur ce lac, s’impatientait sur la terrasse, à la vue de l’immense plaine inondée et déserte sur laquelle les seuls oiseaux de proie volaient en criant.

Don Mariano, avec la double quiétude d’esprit des propriétaires dont la richesse assure l’avenir, du moins selon les chances ordinaires de la vie, et de l’homme que son âge affranchit du joug, des passions de la jeunesse, fumait un cigare tout en se laissant aller aux oscillations de son fauteuil de cuir à bascule. À côté de lui se dressait une table sur laquelle, dans des tasses des Philippines, fumait ce café que les Espagnols appellent café de sieste, par antiphrase sans doute, car il est habituellement d’une force à mettre le sommeil en fuite pendant vingt-quatre heures.

Debout à l’entrée du jardin, don Rafael, la contenance calme et le cœur ému à l’idée de l’entretien qu’il allait provoquer, tour à tour confiant ou craintif, semblait contempler avec la persistance d’un naturaliste, les évolutions des ramiers à la cime des arbres.

Gertrudis, la tête baissée, le visage calme aussi, s’occupait à broder, une de ces grandes écharpes de batiste blanche que les cavaliers, mexicains laissent flotter sur leurs épaules, comme le burnous blanc des Arabes, pour amortir l’ardeur brûlante des rayons du soleil.

En dépit de la tranquillité apparente du maintien de l’hacendero, un nuage sombre passait parfois sur son