Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/131

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L’homme que le siège de Huajapam devait immortaliser plus tard avait alors environ quarante ans ; mais, au moment où nous le retrouvons, la finesse de ses traits, sa noire et abondante chevelure lui donnaient un air beaucoup plus jeune encore.

« Seigneur don Mariano, dit Valerio, je viens vous prier de recevoir mes remercîments et mes adieux.

— Eh quoi ! vous nous quittez, si promptement ? s’écrièrent à la fois l’hacendero, Gertrudis et don Rafael.

— L’homme qui vit de son travail ne s’appartient pas, seigneur don Mariano ; quand son cœur le pousse à droite, les nécessités de la vie le poussent à gauche. L’homme endetté s’appartient moins encore.

— Vous devez donc une somme bien considérable, dit vivement don Rafael en s’avançant vers lui la main tendue, que vous ne puissiez m’en parler ! Dites, et quelle que soit la somme…

— Ce serait un mauvais moyen que d’emprunter à l’un pour payer l’autre, reprit le muletier en souriant ; car je n’accepterais qu’un prêt. Ce n’est pas par fierté, c’est par devoir : ne vous offensez pas. Non, non, la somme n’est pas considérable… quelques centaines de piastres, et, puisque Dieu a bien voulu que mes mules prouvassent chez don Mariano un asile contre l’inondation, je vais reprendre par les montagnes le chemin de Oajaca, où l’argent que je retirerai de la vente de ma recua m’acquittera entièrement, je l’espère.

— Quoi ! s’écria don Mariano, vous allez vendre votre gagne-pain pour vous libérer ?

— Oui, mais pour m’appartenir et pour aller où ma vocation me pousse, répondit simplement le muletier ; je l’aurais déjà fait, si jusqu’à présent ma vie n’eût été le bien de mes créanciers et non le mien. Je n’avais pas le droit de l’exposer.

— Exposer votre vie ! dit Gertrudis avec un doux accent d’intérêt.