Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/132

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— J’ai vu les têtes de Lopez et d’Armenta au haut de la côte de San Juan del Rey. Qui sait si la mienne ne sera pas bientôt avec les leurs ? Je parle ici à cœur ouvert, comme devant Dieu, car un hôte ne trahit pas plus que Dieu les secrets qu’on lui confie.

— Sans doute, reprit don Mariano avec l’hospitalière simplicité des premiers âges. Mais nous sommes ici tous dévoués à la liberté du pays, et nous faisons des vœux pour ceux qui veulent l’affranchir.

— Nous ferons mieux, nous leur prêterons nos bras pour les soutenir, dit Tres-Villas à son tour ; c’est le devoir de tout homme qui peut manier une épée et monter un cheval de bataille.

— Que tous ceux qui lèveront le bras en faveur de l’Espagne, s’écria Gertrudis les yeux brillants d’un fougueux enthousiasme, soient notés de honte et d’infamie ! Qu’ils ne trouvent ni un toit qui les accueille ni une femme qui leur sourie ! Que le mépris de ceux qu’ils aiment soit le partage des traîtres à leur pays !

— Si toutes les jeunes filles belles comme vous l’êtes pensent ainsi, reprit Trujano, notre triomphe ne se fera pas attendre. Qui ne serait heureux de tirer l’épée pour un sourire de votre jolie bouche, et un regard de vos beaux yeux ? »

En disant ces mots, l’arriero jetait un coup d’œil vers le capitaine des dragons de la reine, comme pour lui faire savoir qu’il n’avait pas la hardiesse de marcher sur ses brisées. Gertrudis, de son côté, baissait la tête, toute heureuse de l’hommage qu’on rendait à sa beauté devant l’homme pour lequel il lui importait d’être belle.

Trujano reprit aussitôt :

« Dieu et liberté ! voilà ma devise. Si j’avais été libre d’embrasser plus tôt la cause de mon pays, je l’aurais fait, ne fût-ce que pour empêcher les excès qui commencent à en souiller la sainteté. Vous le savez, seigneur don Mariano.