Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/134

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— Oui, » répondit la jeune fille d’une voix basse, mais ferme.

— Il y eut un moment de silence, pendant lequel une sorte de pressentiment sinistre agita les quatre personnages réunis dans le salon. La guerre civile commençait déjà à faire sentir son souffle homicide.

Trujano rompit le silence. Son œil brilla d’une flamme inspirée, comme jadis celui des prophètes que l’esprit de Dieu venait visiter.

« Ce matin, dit-il, un humble serviteur du Très-Haut, un prêtre obscur d’une pauvre bourgade, vous a quittés pour aller offrir aux insurgés le secours de ses prières : à présent, un instrument non moins humble des volontés de l’Éternel prend congé de vous, pour aller offrir son bras et son sang. Priez pour eux, belle et sainte madone, continua-t-il en s’adressant à Gertrudis émue, avec cette exaltation religieuse et poétique qui faisait le fond de son caractère, et peut-être le Seigneur daignera-t-il encore montrer que c’est du sein de la poussière qu’il se plaît à susciter le bras qui dépose les puissants de leur trône. »

En disant ces mots, Valerio Trujano pressa respectueusement les mains qu’on lui tendait, et sortit du salon, accompagné de don Mariano Silva.

Peut-être celui-ci avait-il ses raisons pour laisser seuls, pendant quelques instants, sa fille et don Rafael, dont le départ allait aussi avoir lieu.

La voix des muletiers qui achevaient de bâter leurs bêtes de somme pour le départ de l’arriero arrivait à peine aux oreilles de Gertrudis et de don Rafael, aussi émus l’un que l’autre de la solitude soudaine où ils se trouvaient pour la première fois depuis l’arrivée de l’officier à l’hacienda de las Palmas.

Le soleil dorait les cimes des assiminiers, que les ramiers emplissaient de leurs roucoulements ; la brise chaude, qui caressait les grenadiers, du jardin, apportait