Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/135

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dans le salon les parfums de mille fleurs diverses. Le moment était décisif, solennel. Heureuse et tremblante à la fois des paroles d’amour qu’elle pressentait, Gertrudis, comme les colombes qui tout à l’heure, allaient replier leur tête sous leur aile pour s’endormir au sommet des arbres, ramena sur sa figure les plis de son rebozo[1] de soie.

Un doux frémissement, cette fois-ci plus fort que sa volonté, faisait trembler sa main sur l’ouvrage de broderie qu’elle tenait ; elle le déposa sur une table à côté d’elle, pour que don Rafael ne s’aperçût pas du trouble dont il était l’auteur.

C’était le dernier effort, la dernière tentative de résistance de l’orgueil pudique de la vierge, avant de s’avouer vaincu.

« Gertrudis ! s’écria don Rafael en imposant silence aux palpitations de son cœur, j’ai parlé à votre père ! Oh ! je vous en supplie, que ce dernier moment que je vais peut-être passer auprès de vous soit tout entier consacré à des explications sans réticence, sans ambages.

— Je vous le promets, don Rafael ; mais quel mystérieux secret avez-vous dit à mon père ? répondit la jeune fille avec un accent de douce raillerie.

— Je lui ai dit que j’apportais ici un cœur plein de vous ; que l’ordre de mon père, qui m’appelle près de lui, avait été pour moi comme un message qui me conviait au bonheur, car il me rapprochait de vous ; j’ai dit que j’avais dévoré avec une fiévreuse impatience la distance sans fin que je viens de parcourir, et que, pour vous voir une heure plus tôt, j’avais entendu sans m’émouvoir les hurlements des jaguars à mes côtés et les grondements des eaux devant moi. »

Don Rafael se tut, et Gertrudis l’écoutait encore comme une mélodie qu’elle eût voulu entendre toujours.

« Et quand vous avez dit à mon père que vous…

  1. Sorte d’écharpe.