Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/136

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m’aimiez, reprit-elle après un moment de silence, a-t-il manifesté son étonnement de cette révélation inattendue ?

— Non, dit l’officier.

— C’est que je le lui avais déjà dit, don Rafael, reprit la jeune fille avec un sourire non moins doux que sa voix ; et mon père, que vous a-t-il répondu ?

— « Mon cher don Rafael, m’a-t-il dit, je verrais avec bonheur ma famille s’unir à la vôtre ; je dois avoir deux fils, et vous seriez le plus cher. Mais… ce ne serait qu’avec l’agrément de Gertrudis, qu’avec le consentement de son cœur, et j’ai vu que ce cœur n’était pas ouvert pour vous. » Voilà l’arrêt terrible que j’ai entendu de sa bouche. La vôtre, Gertrudis, va-t-elle le confirmer ? »

La voix de don Rafael tremblait, et ce tremblement de l’homme énergique qui ne savait pas trembler devant la mort était trop délicieux au cœur de Gertrudis pour qu’elle se hâtât de le faire cesser.

À la réponse faite par son père à don Rafael, la pourpre de ses lèvres devint plus vive, car elle les comprimait pour ne pas sourire ; mais elle prit bientôt un air de gravité dont l’officier s’effraya plus encore.

« Don Rafael, dit Gertrudis, vous avez fait appel à ma franchise, et si je vous parle à cœur ouvert comme je parlerais à ma mère, jurez-vous de ne pas me faire un crime d’une sincérité qui risquera de vous sembler sans excuse ?

— Je le jure ! Gertrudis, parlez sans détour, dût votre franchise, briser ce cœur si plein de vous, répondit Tres-Villas en fixant ses regards ardents sur la jeune fille.

— À une condition toutefois : c’est que, tandis que je parlerai, vous allez fixer les yeux sur les cimes de ces assiminiers, là-bas ; sans quoi, vous risqueriez de ne pas entendre des choses qui… enfin, un aveu… tel que vous le désirez.