Aller au contenu

Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une félicité suprême, d’enlacer dans ces pauvres tresses l’homme que j’aimerais un jour, et… »

Et, avant qu’elle eût achevé, don Rafael baisait ardemment ces tresses parfumées, dont Gertrudis venait de ceindre son cou.

« Je suis prête, maintenant, » dit-elle.

Mais don Rafael n’avait garde de dénouer les doux liens qui l’enveloppaient de leurs replis, et quand, avec une douce violence, Gertrudis eut rendu la liberté à son captif :

« Jamais je n’aurai cet affreux courage ! s’écria-t-il en jetant avec force les ciseaux, qui se brisèrent en éclats sur les dalles.

— Il le faut, Rafael, il le faut ! Dieu me punirait, Peut-être me punirait-il en m’ôtant votre amour.

— Plus tard, nous l’accomplirons, ce vœu fatal ! Je ne vous supplie que d’en ajourner l’accomplissement. À mon retour, Gertrudis, par grâce ! »

Les instances passionnées de don Rafael obtinrent un sursis dont le terme fut fixé au jour de son retour, qui devait avoir lieu le surlendemain, aussitôt qu’il aurait été rassuré sur le sort de son père.

Tout à coup Gertrudis se leva précipitamment, comme un jeune faon qui abandonne son gîte parfumé de fougère aux premiers sons du cor.

« J’entends du bruit, s’écria-t-elle ; c’est mon père ! »

En un clin d’œil la jeune fille eut réparé le désordre de sa coiffure ; mais quand son père entra, suivi de sa jeune sœur, elle n’avait pu effacer de ses joues ni chasser de ses yeux la flamme de bonheur radieux qui les incendiait.

« Ah ! s’écria étourdiment Marianita, ma pauvre sœur a encore ses beaux cheveux enroulés sur sa tête !

— Comment ! dit l’hacendero effrayé et surpris à la fois, Gertrudis songeait à couper sa chevelure ?

— Ce n’est rien, mon père, reprit Gertrudis en cou-