Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/141

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rant se jeter dans les bras de don Mariano ; c’est cette folle de Marianita… Puis elle ajouta entre deux baisers : qui fait allusion à ce que vous aviez si bien deviné… Vous savez, mon père ?

— Mais mon enfant, j’ai deviné bien des choses en ma vie, répliqua don Mariano qui ne devinait guère ; car je me pique d’une certaine perspicacité.

— Eh bien ! ce que dit Marianita, continua Gertrudis en redoublant ses câlineries, se rapporte à la perspicacité avec laquelle vous… avez deviné que je n’aimais pas don Rafael. »

En disant ces mots, Gertrudis cachait son visage dans le sein de son père, non sans avoir toutefois jeté un regard d’ineffable tendresse sur don Rafael, qui croyait rêver tout éveillé et craignait à chaque instant qu’un mot, un rien, ne vînt dissiper ce rêve enchanteur.

« C’est donc à dire, s’écria don Mariano avec joie, que Gertrudis… »

L’hacendero n’acheva pas : un soubresaut de sa fille dans ses bras et un cri de Marianita l’interrompirent et vinrent retentir à ses oreilles en même temps que le bruit d’une fusillade sur le sommet des collines, derrière l’hacienda.

Tous écoutèrent, effrayés ; don Rafael plus encore que les deux femmes elles-mêmes, car trop de bonheur amollit le cœur d’un homme. Mais le plus profond silence succédait à cette détonation subite. Elle n’en jeta pas moins dans l’âme de tous les assistants le même effroi qu’eût produit le cri d’un milan sur les ramiers qui déjà, la tête sous leur aile, dormaient à la cime des assiminiers.