Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/143

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Rafael n’osa pas achever ; puis, dévoré par cette impatience qui fait toujours courir au-devant du malheur, l’officier, sans pouvoir se maîtriser, s’élança vers la poterne qui s’ouvrait sur le chemin des montagnes, et précéda sur le sentier les gens de l’hacienda, qui s’étaient mis en route avec une litière.

Depuis quelques instants déjà, don Rafael ne doutait plus que ce ne fût l’homme qu’il appelait Rodriguez, et, quand il arriva près du blessé, il en acquit la certitude ; mais, quoique son cœur bondît d’impatience, il lui fallut bien réprimer un moment son ardente curiosité.

Épuisé par la perte de son sang et par les efforts qu’il avait faits pour se relever, le vieux Rodriguez venait de perdre momentanément connaissance.

« Attendez, dit l’officier aux hommes qui s’apprêtaient à le placer dans la litière, ce pauvre diable ne pourrait supporter la fatigue de la route ; tout son sang s’écoule par cette blessure. »

Couché sur le côté, l’homme laissait voir, dans la veste qui le couvrait, une déchirure souillée de sang, ouverte par une balle entre les deux épaules.

Don Rafael avait gagné ses deux éperons dans les guerres sanglantes avec les Indiens sauvages du nord et de l’ouest. Il avait vu la mort du soldat sous toutes ses faces et les blessures les plus hideuses. Son expérience le mit à même de prodiguer les premiers soins au moribond.

Il tamponna fortement, avec son mouchoir, l’orifice de la blessure, et le sang cessa de couler, quand elle fut bandée à l’aide de sa ceinture de crêpe de Chine ; mais il est presque évident que, malgré ses soins, si le blessé recouvrait un instant de connaissance, son sort n’en était pas moins fatalement décidé. C’est pourquoi, avant de risquer le trajet jusqu’à l’hacienda, pendant lequel le mourant pouvait expirer, don Rafael voulait essayer de le ranimer.