Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/147

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l’attends ici pour lui dire adieu ; amène-le-moi, puis reste avec nous. Tu resteras avec nous, entends-tu ? car je me défie de ma faiblesse… je ne le laisserais plus partir ! Va, essuie tes yeux, continua-t-elle en l’embrassant, et reviens vite. »

Marianita essaya de sourire en rendant à sa sœur caresse pour caresse ; elle passa son mouchoir sur ses yeux humides, et sortit.

Gertrudis, restée seule, jeta un regard douloureux sur les deux longues tresses déposées sur la table, qui ne devaient plus enlacer de leurs noirs anneaux le cou de son amant ; elles l’avaient étreint une fois du moins ; les lèvres de don Rafael les avaient caressées, et, à ce souvenir peut-être, Gertrudis baisa tendrement ces deux reliques d’amour ; puis elle s’agenouilla pour retrouver dans la prière ses forces prêtes à défaillir.

La jeune fille priait encore, lorsque, précédé de Marianita, don Rafael entra dans le sanctuaire des deux jeunes sœurs, où, à l’exception de leur père, aucun homme n’avait encore pénétré.

Un rapide coup d’œil indiqua à don Rafael que le douloureux sacrifice était accompli. Le dragon était si pâle, qu’il ne pouvait plus pâlir.

Gertrudis se releva, s’assit sur un des fauteuils ; Marianita prit place sur un autre dans un coin de la chambre don Rafael restait seul debout.

« Venez ici, près de moi, don Rafael, dit Gertrudis ; mettez-vous à genoux devant moi… Non… sur un seul… On ne se met à deux genoux que devant Dieu. Bien, ainsi… vos mains dans mes mains… vos yeux dans mes yeux ! »

Don Rafael obéissait passivement à ces douces injonctions. Qu’eût-il demandé de plus que de s’incliner devant celle qu’il aimait ; de presser ses mains délicates et blanches dans ses mains nerveuses ; de boire à longs traits l’amour dans les yeux humides de la jeune fille ?