Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/146

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faire pour leur compte la guerilla, ou plutôt la maraude, et qu’ils ne reviendront jamais. Quant à Sanchez, Votre Seigneurie sait qu’il est au lit, encore à moitié brisé par le poids du cheval sauvage qui s’est renversé sur lui, la première fois qu’il l’a monté.

— De façon, dit l’hacendero de mauvaise humeur, que, sur six serviteurs que j’avais hier, je ne puis mettre à votre disposition que le majordome ; car je ne parle pas de ces brutes de peons indiens.

— Qu’il reste, dit l’officier. Aussi bien, j’aime mieux courir seul au secours de mon père. Il doit y avoir assez de combattants ; mais peut-être leur manque-t-il un chef. »

Le majordome fut congédié sur cette réponse.

Pendant qu’on sellait en toute hâte le cheval bai-brun du capitaine des dragons de la reine, les deux sœurs, Gertrudis et Marianita, s’étaient retirées dans la chambre où nous les avons trouvées pour la première fois.

Frappée du rapport qu’elle crut apercevoir entre le malheur qu’on venait d’annoncer à don Rafael et la transaction de conscience qu’elle avait faite pour lui plaire en reculant le moment de livrer sa chevelure au tranchant du ciseau, la jeune créole venait d’accomplir elle-même ce pieux et douloureux sacrifice.

La tête couverte de son écharpe de soie, son doux et pâle visage se montrait encore surmonté de l’arc des deux noirs bandeaux qui lui restaient seuls de sa splendide chevelure. Elle consolait Marianita, dont les yeux étaient baignés de larmes, tandis que les siens brillaient d’une mélancolique satisfaction.

« Ne pleure pas, ma pauvre Marianita ; disait-elle ; si je n’avais eu la coupable faiblesse de consentir à différer l’accomplissement de mon vœu, peut-être ce malheur ne lui serait-il pas arrivé. À présent, je suis tranquille sur son sort. Quelque danger qu’il puisse courir, Dieu me rendra mon Rafael sain et sauf. Va lui annoncer que je