Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/18

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nets des vachers de la Suisse ; cependant l’instrumentiste était encore invisible, si toutefois ce n’était pas une des voix des montagnes, inconnue jusqu’ici à mon oreille.

Je m’avançai jusqu’aux limites extrêmes du plateau, à l’endroit même où, la veille, le capitaine Gastaños m’avait fait le terrible et singulier récit de sa rencontre avec le colonel Garduno ; mais je ne vis au fond du gouffre que les reflets de la lune qui en argentaient les douves escarpées. C’était cependant bien de cette direction que s’étaient élevés ces sons à la fois si mélancoliques et si puissants ; un examen attentif me fit enfin distinguer comme une ombre humaine qui se détachait sur une mer de lumière blanche, puis l’ombre disparut sous la saillie d’un rocher, non sans qu’une fois encore la même cadence funèbre se fût élevée des profondeurs de l’abîme jusqu’à moi.

Je n’eus plus dès lors qu’à me résigner à attendre quelques instants pour voir surgir à son tour sur le plateau le nocturne musicien lui-même. Un quart d’heure se passa ; puis, grâce au détour du sentier qui serpentait sur les flancs du précipice, un homme apparut tout à coup, presque à mes côtés, dans un endroit diamétralement opposé à celui sur lequel j’avais, les yeux fixés.

Le costume du voyageur me révéla sa condition de prime abord : c’était un Indien, quoique ses vêtements et la hauteur de sa stature lui donnassent un aspect tout différent des Indiens que j’avais vus jusqu’alors. La fierté de sa démarche, l’expression de ses traits, ses membres athlétiques, son accoutrement bizarre, rien, en un mot, ne rappelait chez lui le caractère abâtardi des anciens maîtres du Mexique. Par le même motif, je ne savais reconnaître à quelle caste indienne il appartenait. Il s’était arrêté un instant pour reprendre haleine, après la rude montée qu’il venait de franchir si lestement, et je pus, à la clarté de la lune, distinguer aussi qu’il portait en sautoir l’instrument que je venais d’entendre : c’était