Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/189

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l’île, Costal et le capitaine pensaient être trop éloignés encore pour que les sentinelles pussent les apercevoir au milieu des ténèbres. Tout à coup une nappe immense de lumière enveloppa la goëlette, dont on ne distinguait plus que l’avant, et les hommes du canot étaient encore éblouis de cet éclair soudain, lorsqu’un sifflement terrible se fit entendre dans l’eau.

Le canot reçut un choc violent sous une pluie d’écume, et, au même instant, une effroyable détonation vint frapper les oreilles de ceux qui le montaient. Un cri de terreur leur échappa : deux soldats, qui semblaient emportés par un tourbillon, disparurent dans la mer, à dix pas du bord.

Deux des requins avaient également disparu ; un seul restait, qui semblait à son tour attendre sa proie.

Don Cornelio était à l’arrière avec Costal, quand, après le choc du boulet qui avait emporté les deux soldats, il lui sembla que l’avant du canot était de beaucoup plus bas que l’arrière, et Costal s’écria :

« Par Dieu et par le diable ! le canot ne gouverne plus !

— Qu’est-ce à dire ? lui demanda Lantejas, effrayé de ce nouveau malheur.

— Peu de chose, si ce n’est que ce boulet maudit a emporté un morceau de la proue de l’embarcation, sous l’étrave, et que le canot s’enfonce, la pointe en bas. »

Un cri de détresse, arraché aux deux malheureux qui étaient sur l’avant et qui plongeaient déjà dans l’eau à mi-corps, révéla au capitaine l’inexorable précision des paroles de Costal.

« Grand Dieu ! s’écriait-il, nous sommes perdus !

— Eux, je ne dis pas, répondit Costal avec un sang-froid terrible ; mais non pas nous. Tenez-vous bien là, et ne me perdez pas de vue. Oh ! là ! doucement, continua-t-il, repoussant un des costeños placés au centre du