Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/190

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canot, qui, à son tour, gagné par l’eau, s’accrochait aux vêtements de l’Indien ; ici, chacun pour soi ! »

Et, comme le malheureux cherchait à l’enlacer de ses bras crispés, Costal l’envoya, d’un coup de couteau, rouler par-dessus le bord du canot : cette fois, le troisième requin disparut ; un cri horrible, sortit d’un tronçon d’homme qui bientôt s’abîma sous l’eau.

« C’est lui qui l’a voulu, dit le Zapotèque toujours impassible ; que son exemple serve de leçon aux autres ! »

Chacun se le tint pour dit et ne s’occupa plus que du soin de se cramponner de son mieux aux parties non encore submergées de l’embarcation.

Des voix lugubres semblaient monter du fond de l’abîme à la surface de l’Océan, ou arriver aux oreilles des naufragés sur les ailes du vent d’orage. Le ciel s’assombrissait de plus en plus, et la mer devenait noire comme le ciel. Des éclairs éblouissants ne tardèrent pas à déchirer le voile épais des nuages et à découvrir l’immensité sur laquelle la brise déchaînée commençait à tordre la cime des vagues.

L’effrayant cortège de monstres marins apparut de nouveau ; alourdis par leur récente pâture, ils nageaient pesamment le long du canot à moitié submergé. Leurs ailerons lançaient des lueurs électriques. L’embarcation devenait de plus en plus perpendiculaire. Un homme s’enfonça pour ne plus reparaître, puis un autre le suivit, violemment arraché par un des monstres à une planche, son dernier moyen de salut, qu’il étreignait convulsivement entre ses bras.

À cet horrible spectacle, don Cornelio, plus mort que vif, invoquait Dieu et tous les saints avec une ferveur dont il est facile de se faire une juste idée.

« Fiez-vous plutôt à votre courage qu’aux saints de votre paradis, lui disait de temps en temps l’impassible païen qui se tenait à ses côtés. Ah ! si ce n’était pour vous… »