Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/195

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— Que faire ! s’écria le capitaine avec désespoir.

— De deux choses l’une, reprit Costal : ou les baleinières nous attendent, ou elles se dirigent vers l’île ; supposer qu’elles aient rétrogradé est absurde en y pensant bien. Quand on reçoit d’un général l’ordre d’attaquer un point quelconque, on ne revient pas sans l’avoir tenté. Donc, comme il m’est facile de nager encore jusqu’aux embarcations…

— Nager jusqu’aux embarcations ! y pensez-vous ?

— Et pourquoi pas ?

— Et nos compagnons dévorés devant nos yeux ? »

Un éclair, qui vint à briller au même moment, laissa voir l’air de profond dédain dont la physionomie de Costal était empreinte.

« Ne vous ai-je pas dit que, moi seul peut-être, je pouvais nager sans crainte parmi les requins ? Je l’ai fait cent fois par bravade, je le ferai aujourd’hui pour conserver notre vie. »

L’idée de rester seul épouvantait le capitaine ; celle d’une mort inévitable et prochaine à deux n’était pas moins terrible. Il hésita un instant à répondre, et Costal, prenant son silence pour un consentement, s’écria :

« Dès que j’arriverai à bord de l’une des baleinières, je ferai partir une des fusées de signaux que nous y avons embarquées ; alors vous saurez qu’il faut espérer et crier de toutes vos forces. »

Don Cornelio n’avait pas eu le temps de répondre un mot que l’intrépide plongeur s’élança la tête la première dans l’eau, sous laquelle le capitaine put le suivre à la raie lumineuse qu’il y traça, et, comme si les hôtes féroces qu’elle abritait eussent reconnu une puissance supérieure, il vit les requins s’enfuir devant celui qui les bravait. Il est vrai, du reste, qu’ils étaient largement repus. Le capitaine vit Costal remonter assez loin à la surface de l’eau, puis le perdit de vue derrière la crête noire des lames, mais il lui sembla que le vent lui ap-