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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/200

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la lueur d’un second éclair, la même barque, les mêmes figures, mais dans une direction opposée. Les chaloupes l’avaient dépassé sans le voir. La vague s’affaissa sous lui ; il perdait de vue les sauveurs qui le cherchaient où il n’était pas. Peu s’en fallut que dans l’accès de désespoir insensé qui s’empara de lui, il ne se laissât volontairement entraîner par un de ces flots dont il était le triste jouet.

Le malheureux se sentait perdu sans retour. Fasciné par le gouffre qui l’attirait, exalté jusqu’à la folie par les intonations funèbres de la mer et du vent, il allait cesser de lutter, lorsque, du sein de l’onde et à peu de distance de lui, il vit jaillir une vive lueur et une courbe d’un azur étincelant se dessiner sur le ciel sombre. C’était la fusée de signal tant désirée. Alors don Cornelio rassembla ce qui lui restait de forces, et poussa un cri auquel le désespoir et la joie, mêlés ensemble, donnèrent un retentissement surhumain. Il l’entendit porter par le vent, bondir pour ainsi dire sur le dos des lames et mourir au loin. Après un moment pendant lequel il concentra tout ce qui lui restait de vie à écouter la réponse à son appel, il entendit un autre cri lutter contre les hurlements de la rafale : c’était la voix de l’Indien.

Cornelio cria de nouveau sans répit, sans relâche, jusqu’à ce que sa gorge déchirée refusât de produire aucun son. À chaque fois, il entendait comme l’écho affaibli de cris lointains, et pourtant la lueur des éclairs ne lui montrait toujours qu’un espace immense, noir et vide… Enfin une des baleinières arriva en bondissant jusqu’à lui. Les mains de Costal et de Galeana se tendirent et saisirent les siennes, et il se sentit enlevé de la quille du canot ; il était temps : comme Costal, il tomba évanoui dans le fond de l’embarcation.

On devine facilement ce qui s’était passé. Au moment où les baleinières venaient de s’éloigner de don Cornelio sans l’avoir aperçu, sans que personne eût en-