Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’était un grand capitaine que Morelos, répondit l’ancien guerillero, qui me précédait dans le sentier escarpé de la montagne avec une aisance que j’admirais ; dans le cours seulement de l’année 1811, il a livré aux Espagnols vingt-six batailles ; il en a gagné complétement vingt-deux, et il a fait d’honorables retraites dans les quatre autres ; il a fait… »

Le capitaine aurait peut-être continué longtemps si je ne l’eusse interrompu.

« Je sais tout cela, lui dis-je, mon cher capitaine.

— Eh bien, alors ?

— Vous me faites de l’histoire, et je veux de la chronique ; c’est-à-dire que je désire apprendre de Morelos ce que les historiens ne disent pas, ou du moins ne font qu’indiquer.

— Je vous comprends ; faites-moi donc le plaisir d’écouter. »

Don Ruperto contint son cheval pour que le mien pût facilement le suivre, et reprit :

« C’était après la prise de Guanajuato, au moment où l’armée des insurgés, au nombre de plus de soixante mille hommes, se répandait, sous les ordres d’Hidalgo, alors au faîte de sa puissance, comme un torrent que rien ne pouvait arrêter. Nous devions aller passer la nuit à Valladolid, et pendant que l’armée tout entière suivait sa route, les chefs et leur état-major, dont nous faisions partie, Albino et moi, recevaient l’hospitalité d’un moment chez un particulier du petit village de San-Miguel-Charo, à quatre lieues de Valladolid. Nous dînions fort joyeusement, comme on dîne en pays conquis, et dans une salle fort basse. Hidalgo et Allende étaient assis à une petite table à part et s’entretenaient tout en mangeant un morceau ; Désirez-vous savoir ce qu’ils mangeaient.

— Je m’en doute : des tortillas[1] de maïs et des haricots rouges au piment.

  1. Galettes.