Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/22

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La plate-forme de la sierra, si tranquille jusqu’à ce moment, commençait à se remplir de bruit. Les divers voyageurs hébergés dans la venta s’apprêtaient à partir, car déjà l’aube teignait l’horizon d’une clarté d’un jaune pâle. Les Indiens secouaient leur sommeil et ceignaient leurs reins pour la marche ; les muletiers tiraient leurs mules des écuries, les domestiques sellaient les chevaux hennissants ; les corbeaux voltigeaient en croassant dans le brouillard matinal, et le son des clochettes des bêtes de somme se mêlait aux aboiements des chiens qui se répondaient des deux cimes parallèles de la sierra. C’était, en un mot, une de ces joyeuses scènes de voyage dont le souvenir me sera toujours cher.

Chacun allait s’acheminer vers sa destination, et bientôt, en effet, toutes ces ombres indécises, qu’un instant après le soleil devait éclairer, s’éparpillèrent de tous côtés, les unes dans une direction, les autres dans une autre, et la plate-forme de la sierra ne tarda pas à n’être plus animée que par la présence du ventero, qui balayait ses chambres pour de nouveaux voyageurs.

Nous partîmes à notre tour. J’avais quelque tristesse dans le cœur, je l’avoue : cette image en petit du voyage de la vie ; où l’on change à chaque instant d’hôtellerie, où l’on quitte le certain pour courir après l’inconnu, entrait pour beaucoup dans l’impression chagrine que j’éprouvais.

Pour chasser au loin ces idées mélancoliques, je n’avais rien de mieux à faire que de mettre à contribution les souvenirs de mon compagnon de voyage. Parmi les plus glorieux champions de l’indépendance mexicaine, il en était un sur lequel je manquais de renseignements précis et surtout intimes : c’était le général Morelos, qui, plus qu’aucun autre, avait presque toujours porté victorieusement le drapeau de cette indépendance.

« Pouvez-vous me donner quelques détails sur le général Morelos ? demandai-je tout à coup au capitaine.