Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/244

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Quelques minutes après, don Rafael, toujours pensif, montait la côte inclinée qui conduisait au sommet des collines, quand un coup de feu, tiré de la terrasse de l’hacienda, vint frapper mortellement celui des cavaliers de l’escorte qui était le plus près de lui.

Un sourire d’amère tristesse effleura les lèvres de don Rafael, et une douleur aiguë pénétra jusqu’au fond de son cœur, en comparant ce dernier adieu qu’il recevait des habitants de l’hacienda à celui qui avait accompagné son départ deux mois auparavant. La balle venait de frapper précisément le cavalier qui avait jugé prudent de cacher à son capitaine le nom de deux de ses agresseurs.

« C’est Arroyo qui a fait le coup ! s’écria involontairement celui qui avait cru reconnaître le bandit.

— Arroyo est dans cette hacienda et vous ne me le disiez pas ! s’écria le capitaine avec un accent de fureur, tandis que ses moustaches se hérissaient comme celle du lion qui va fondre sur sa proie.

— Je ne savais… je n’en étais pas certain… » balbutia le cavalier.

Peu s’en fallut que, dans l’impétuosité de sa colère, don Rafael ne le traitât plus rudement encore qu’Arroyo n’avait traité son associé. Il se contint cependant ; mais, sans réfléchir aux conséquences qui allaient en résulter, le fougueux capitaine dépêcha le cavalier le mieux monté de sa troupe avec l’ordre de lui ramener, sans perdre une seule minute, cinquante hommes bien armés, avec quelques pétards, pour faire sauter la porte de l’hacienda.

Le cavalier partit au galop, et don Rafael, se postant avec les trois hommes qui lui restaient derrière un pli de terrain qui les mettait à l’abri des balles, attendit le retour de son messager.

La chaleur de son sang ne tarda pas à se calmer, et il entrevit alors avec une douleur profonde l’acte d’hostilité qu’il allait accomplir contre le père de Gertrudis.