Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épais comme son encolure de taureau, au lieu de le laisser pénétrer dans l’hacienda, où, quand nous l’aurions tenu… »

Arroyo, car c’était lui-même, acheva sa phrase par un formidable geste.

« Don Mariano ne l’aurait pas permis, » reprit son compagnon au corps grêle et à la figure astucieuse et féroce à la fois, comme celle de la fouine.

Ce personnage était Bocardo, l’associé d’Arroyo.

« Nous nous serions passés de sa permission, reprit Arroyo avec un regard farouche ; aussi bien nous ne sommes plus au service de don Mariano. Le temps est venu où les serviteurs doivent être les maîtres de leurs maîtres. Que m’importe à moi l’émancipation du pays ? ce que je veux, c’est le sang et le pillage ! »

À ces mots, qui trahissaient les véritables sentiments du féroce insurgé, un éclair de rage brilla dans ses yeux.

« Il va nous falloir fuir, maintenant, ajouta-t-il ; car, si cet enragé capitaine apprend que nous sommes ici, il n’est pas de motif au monde qui l’empêche de venir mettre le feu aux quatre coins de cette hacienda pour nous y brûler tout vifs ! Triple sot que je suis moi-même de t’avoir écouté !

— Qui eût pu prévoir qu’il nous échapperait ? répondit Bocardo, épouvanté de l’expression du visage de son associé.

— Toi ! » s’écria le bandit.

Et, dominé par la fureur d’avoir laissé échapper son plus mortel ennemi, Arroyo tira son poignard et en frappa du manche un coup si violent dans la poitrine de Bocardo, que celui-ci tomba comme une masse de son cheval, avec un hurlement de douleur.

Laissant son compagnon se relever comme il pourrait, le guerillero sembla se raviser, et précipitant son cheval par la porte de l’hacienda, il mit pied à terre dans la cour et disparut dans le bâtiment, sa carabine à la main.