Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/248

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sont les hôtes. N’avez-vous pas entendu qu’il faut me les livrer ?

— En aucun cas je ne voudrais trahir ceux que j’ai promis de défendre, continua l’hacendero emporté malgré lui au delà des bornes qu’il s’était prescrites ; mais, dans celui-ci, je ne suis pas libre de ma volonté, et je suis chargé de vous dire, de la part de ceux que vous poursuivez, qu’ils poignarderont mes deux enfants et moi avant de tomber entre vos mains. Notre vie répond de la leur maintenant, capitaine ; c’est à vous de savoir si vous persistez toujours à vouloir qu’ils vous soient livrés. »

L’amertume avait disparu du langage de l’hacendero, et ces derniers mots furent prononcés avec une fermeté digne et triste, dont l’accent retentit douloureusement au cœur du capitaine.

Un nuage obscurcit les yeux de don Rafael à la pensée de Gertrudis tombant sous le poignard des guerilleros, qu’il savait bien capables d’accomplir leur menace, et il fut presque heureux qu’un devoir d’humanité à remplir se présentât non moins impérieux que celui auquel il avait obéi jusqu’alors.

« Bien ! dit-il après un court silence, car cette fois sa fermeté se trouvait vaincue à l’avance ; portez au bandit qu’on nomme Arroyo la promesse solennelle qu’il n’aura rien à craindre, s’il se montre ; je mets cette condition non pas au pardon, mais au sursis que l’humanité me fait un devoir de lui accorder.

— Oh ! je n’ai pas besoin de votre parole ! s’écria impudemment le bandit en se montrant à côté de Mariano ; n’ai-je pas là dedans des otages qui répondent mieux de ma vie ? Eh bien ! que voulez-vous à Arroyo, seigneur capitaine ? »

Les veines du front gonflées, la lèvre frémissante et l’œil enflammé à la vue de l’un des assassins de son père, de l’homme qu’il avait si longtemps et si vainement