Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/261

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était pas moins exact à calculer minutieusement toutes les chances du combat. Sa physionomie ouverte et prévenante commandait la franchise et forçait chacun à lui livrer son secret, tandis que personne ne pouvait pénétrer le sien ; sa bonté, sa douceur envers ses troupes, loin de dégénérer en faiblesse, le faisaient craindre autant qu’elles le faisaient aimer ; un charme indéfinissable enfin émanait de toute sa personne et excluait jusqu’à la pensée de lui désobéir.

Maintenant, si l’on réfléchit qu’en 1812 les Espagnols étaient encore maîtres de toutes les ressources de l’administration, des courriers, des voies de communication ; que l’insurrection était isolée, traquée de tous côtés, on ne trouvera pas étonnant que, à la même époque où Trujano était bloqué dans Huajapam, Morelos, assiégé à deux ou trois journées de là, dans Cuautla, ignorât la position de l’ancien muletier.

Depuis un mois déjà Morelos, retiré à Isucar après avoir évacué Cuautla, n’était pas plus instruit qu’auparavant du sort des assiégés de Huajapam. Heureusement pour eux, Trujano connaissait le lieu de la retraite de Morelos, et il avait résolu de lui expédier un courrier pour lui demander du secours.

Cernée comme l’était la place, l’entreprise était presque impraticable, et, pour en assurer le succès, Trujano faisait une neuvaine afin d’implorer la protection du ciel.

Le jour où du camp espagnol nous pénétrons dans la ville assiégée, la neuvaine s’achevait, et c’était le soir de la surveille de la délibération du conseil de guerre dont nous venons de rendre compte.

Il était déjà nuit close. Toute la population de Huajapam se trouvait réunie pour l’heure de la prière sur une place éclairée par la lueur de torche d’ocote, quoique la lune brillât au haut du ciel.

Une église dont les bombes avaient éventré le dôme et des maisons en ruine entouraient la place.