Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/260

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son ascendant irrésistible sur le soldat comme sur le bourgeois sut maintenir exempte de la plus légère infraction.

Le temps avait été distribué comme dans un couvent, et les oraisons absorbaient la plus grande partie de celui que laissaient libre les devoirs militaires et les attaques des assiégeants. Ces oraisons se faisaient en commun, et, dans cette bourgade privée de toute communication au dehors, au milieu d’une population ignorante des joies de la vie, toujours en face de la mort, elles s’accomplissaient avec cette ferveur du matelot qui implore la miséricorde de Dieu, son seul refuge contre les fureurs de la tempête.

Grâce à ces dispositions étranges, mais sages, le découragement n’avait pas de prise sur des âmes continuellement occupées. Quand les vivres devinrent plus rares, aucun regard scrutateur ne pouvait sonder le vide des magasins, aucune bouche indiscrète ne pouvait annoncer une prochaine disette, et il était évident que l’entreprise des Espagnols sur Huajapam ne pouvait avoir que deux issues : écraser jusqu’au dernier des assiégés ou abandonner le siège.

Depuis cent jours et plus cet état de choses existait, et, pendant ce long espace de temps, une seule tentative de secours avait été faite par le colonel Sanchez et le padre Tapia ; elle avait échoué, mais la constance de Trujano n’était pas à bout. Le découragement était seulement du côté des Espagnols.

Parmi les assiégés, tout pliait sous l’ascendant sans bornes de cet homme vraiment extraordinaire, chez qui étaient réunies les plus brillantes qualités, même celles qui sont le plus faites pour s’exclure mutuellement.

Jamais la fougue de son esprit ne diminua la prudence de ses plans, et jamais elle ne chercha à devancer l’époque de leur maturité. Brave jusqu’à la témérité, il n’en