Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/284

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vicissitudes le capitaine des dragons de la reine, qui ne me semblait pas voir de bon œil un mandement contre l’insurrection, se trouve aujourd’hui un des ennemis qui lui ont fait le plus de mal. S’il vous plaisait de vous asseoir ici, comme ces paladins qui interrompaient leur duel à mort pour causer sur les grandes routes, je l’aurais pour plus agréable que de retourner au combat. »

Un nuage sombre couvrit les traits de don Rafael en entendant l’allusion faite par Lantejas au changement de ses opinions. Ces deux officiers offraient un exemple frappant de l’impuissance de l’homme à maîtriser le cours de sa vie et à se préserver d’être le jouet des événements. Tous deux en effet servaient, en dépit de leur volonté, la cause qu’ils n’avaient pas choisie.

Des cris de triomphe qui s’élevaient de tous côtés du champ de bataille, mais sans que ni l’un ni l’autre pût deviner quel parti avait la victoire, vinrent interrompre leur entretien.

« Ah ! seigneur don Rafael ! s’écria l’ex-étudiant, si nous sommes vaincus, je suis votre prisonnier.

— Si vous êtes vainqueur, je ne suis pas le vôtre, » reprit le colonel avec une nuance de dédain qu’il ne put cacher.

Il rassemblait la bride de son cheval en disant ces mots, quand, aux deux extrémités du sentier, apparurent tout à coup des groupes de cavaliers insurgés, et Costal s’écria d’une voix forte :

« Seigneur colonel ! don Cornelio est là… plein de vie… »

Au même instant, don Rafael se trouva entouré d’ennemis.

La position du vainqueur de don Cornelio devenait aussi critique que l’était une minute auparavant celle du capitaine. Les pistolets de don Rafael étaient déchargés ; il avait jeté, dans la chaleur de l’action, un tronçon de son épée, qui s’était brisée dans sa main, et