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Quant aux habitants de las Palmas, ils s’estimèrent trop heureux que l’outrage n’eût pas suivi le vol, et de rester l’honneur et la vie saufs.

Éclairé désormais sur le danger de vivre plus longtemps dans une habitation que son isolement mettait à la merci des royalistes ou des insurgés, don Mariano Silva avait pris la résolution de se retirer à Oajaca. À son avis, il y avait moins de danger à se réfugier dans une ville toute dévouée au vice-roi, dans laquelle en ne manifestant pas des opinions qui ne l’avaient pas encore compromis, il trouverait au moins la sûreté.

Pendant quelques jours, diverses causes s’opposèrent à l’exécution de son projet.

L’hacienda de San Carlos, habitée par l’homme dont il devait faire son gendre, don Fernando de Lacara, n’était qu’à quelques lieues de la sienne, et Marianita ne se souciait pas de quitter ce voisinage. Sans en avouer le motif, elle avait mille objections à ce départ.

Il en était de même de Gertrudis. Les souvenirs que lui rappelait l’hacienda de las Palmas lui en rendaient le séjour à la fois doux et pénible, et l’on sait, en amour, quel empire exerce la douleur, surtout sur le cœur des femmes.

Les douloureux souvenirs ne manquaient pas à Gertrudis dans l’hacienda de las Palmas.

Combien de fois, au soleil couchant, ses yeux n’avaient-ils pas erré dans une mélancolie rêveuse sur la grande plaine, déserte comme un jour où don Rafael accourait vers elle, bravant la mort pour la voir quelques heures plus tôt !

Lorsque, dans le premier moment de sa douleur, lorsque, dans sa première ardeur de vengeance, don Rafael, avec cette âpre volupté qu’on éprouve parfois à se déchirer le cœur, dût-on en briser un autre, s’était élancé au galop vers Oajaca, après avoir enfoui dans la terre qui couvrait son père le gage d’amour de Gertrudis, en re-