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faible lueur semblable au crépuscule du soir, au moment où ses dernières clartés vont s’éteindre.

Le colonel prêtait une oreille attentive au moindre bruit qu’il croyait entendre ; mais, sauf le murmure de la brise dans les arbres et le glapissement lointain des chacals, sauf la voix de l’oiseau moqueur et le léger frétillement d’une iguane sur les feuilles sèches, tout reposait en silence dans la forêt.

L’air frais et embaumé que respirait don Rafael, le voile de la nuit qui l’entourait de toute part, ce calme imposant et solennel qui régnait autour de lui, tout semblait le convier aux douceurs du sommeil. Il sentit ses paupières s’appesantir insensiblement, et bientôt une invincible torpeur s’empara de tout son être.

L’homme épuisé par la fatigue du corps ou de l’esprit a besoin de repos ; la bienfaisante Providence lui envoie le sommeil pour réparer ses forces. Dans son ineffable bonté, elle l’envoie aussi parfois au condamné, dans la nuit qui précède son supplice, et c’est par elle également que s’explique ce profond sommeil de certains conquérants la veille du jour où ils allaient livrer l’empire du monde aux hasards d’une bataille sanglante.

Sans être prodigieusement inquiet, le colonel pensait que la prudence exigeait qu’il se tînt éveillé. Il lutta longtemps contre le sommeil, mais en vain. Le sommeil fut le plus fort. Alors il entortilla autour d’une branche de l’arbre et de son corps la longue ceinture de soie que portent encore aujourd’hui, dans son pays, les officiers de son grade ; il avait eu soin de la conserver, en la cachant sous sa jaquette. À peine se fut-il ainsi prémuni contre le danger d’une chute, qu’il s’endormit profondément au sommet de son arbre.

La plupart des hommes enrôlés au service d’Arroyo étaient des gens de campagne, dressés de longue main, par conséquent, à distinguer sur le sol toute espèce d’empreinte, et, si ce n’eût été la nuit, ils n’auraient pas