Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/320

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dépassé, sans s’en apercevoir, l’endroit où le colonel avait tout à coup quitté la route battue pour se jeter dans le bois. Mais, à la lueur incertaine de la lune qui n’éclairait le sentier qu’à travers les interstices du feuillage, la personne du colonel et la trace des pas de son cheval étaient invisibles à leurs yeux.

Ce ne fut qu’à une assez grande distance au delà des premiers taillis derrière lesquels don Rafael avait disparu, qu’ils firent instinctivement halte. S’engager tous à la fois dans le bois eût été s’interdire toute chance de trouver celui qu’ils poursuivaient, et, ainsi que le colonel l’avait présumé, ils se divisèrent et se mirent deux à deux. Ils s’assignèrent un rayon à explorer, et, après être convenus de se réunir au bout de quelques heures dans la clairière, près du chemin où ils venaient de descendre de cheval, ils se séparèrent pour commencer leur battue.

Quoiqu’en y mettant beaucoup de prudence, à cause de la terrible réputation dont jouissait don Rafael, il s’acquittèrent d’abord de leur tâche avec assez de conscience ; mais petit à petit, quand la première ardeur fut un peu calmée, une même idée se présenta à leur esprit presque en même temps. Tous avaient vu avec quelle formidable aisance le colonel s’était défait de deux d’entre eux, et ils jugèrent qu’ils avaient eu grand tort de s’affaiblir ainsi en se divisant. Cependant, comme ils ne pouvaient songer à regagner tout de suite la clairière désignée pour se réunir, avant un laps de temps suffisant pour sauver les apparences, ils continuèrent leur recherche, mais avec une notable nonchalance.

« Caramba ! le beau clair de lune, dit Pépé Lebos à son compagnon ; cela me fait penser…

— Que le colonel pourrait bien nous voir venir ? interrompit son compagnon.

— Ah bah ! Ce diable d’homme est introuvable, et je pense que, puisqu’on y voit comme en plein jour, tu