Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/329

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camarades qui bloquent el Valle, comme ils ne sauront rien de ma fuite du camp, je leur persuaderai que je suis chargé de t’accompagner pour aller toucher avec toi le montant de la rançon d’un prisonnier.

— Et si l’on nous ramène au camp ? reprit l’autre.

— Nous y serons pendus ; mais un peu plus tôt, un peu plus tard, n’est-ce pas le sort de l’homme ? riposta philosophiquement Juan el Zapote, car c’était l’ex-gardien du messager de don Mariano et de sa fille, à présent son compagnon de fuite ; mais je me fais fort de te tirer de là, compadrito[1].

— Corbleu ! se dit mentalement don Rafael, ce drôle, qui pense que c’est le sort de tout homme d’être pendu tôt ou tard, semble si sûr de son fait, qu’il ne lui en coûtera pas plus de me conduire aussi à bon port. »

En achevant cette réflexion, le colonel saisit une des lianes qui lui avaient servi à escalader le tronc de l’acajou, et, au risque de laisser une partie de ses vêtements aux branches, de l’arbre, il sauta d’un bond devant les deux aventuriers stupéfaits.

Don Rafael, qui aurait payé si cher la connaissance du doux message envoyé par Gertrudis, se trouvait inopinément en face du messager chargé de le lui délivrer.

Il est vrai que ni l’un ni l’autre ne se connaissaient.

« Chut ! ne craignez rien, je vous offre ma protection, dit le colonel avec une superbe aisance, et surtout à bas les armes ! »

Zapote avait dégainé un long poignard qu’il levait à tout hasard, prêt à frapper le premier venu avec cette indifférence particulière à l’homme qui, comme lui, ne pressent pas d’autre fin que la corde ou le garrote. Mais don Rafael lui avait aussitôt saisi le poignet qu’il serrait avec une force suffisante pour prouver qu’il pouvait être aussi terrible ennemi que puissant protecteur.

  1. Mon cher compère.