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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/340

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pauvre animal n’avait pas fait le moindre effort pour briser son licou.

À l’approche de son maître, il fit entendre un hennissement joyeux qui retentit au loin.

Malgré ce bruit, qui pouvait le trahir et lui être si funeste, le colonel ressentit un mouvement de joie mêlée de tristesse en caressant son noble compagnon de danger, et il ne put en même temps s’empêcher d’éprouver un remords du rôle auquel il allait peut-être le destiner.

C’était néanmoins un de ces cas dans lesquels l’instinct de conservation de l’homme le porte souvent à faire ce que son cœur désapprouve.

Afin de rendre ses mouvements plus faciles dans le labyrinthe formé par les arbres et les lianes, le colonel dessella son cheval et ne lui laissa que la bride pour le conduire à la main. Il s’avança résolument, en se guidant sur le soleil, vers la pointe méridionale du bois, qui aboutissait au gué de l’Ostuta.

Le conseil du Zapote lui parut bon à suivre, et il pensa que, s’il pouvait en effet parvenir à se cacher le reste du jour au milieu des bambous du fleuve, il lui serait facile, pendant la nuit, de gagner la grande route d’Oajaca pour revenir de là à l’hacienda del Valle.

Chemin faisant, don Rafael jeta encore le fourreau de son sabre, ainsi que son ceinturon, qui le gênaient, et, tenant d’une main sa lame nue, de l’autre la bride de son cheval, il continua sa marche le plus silencieusement qu’il lui fut possible, décidé à ne se servir de ses pistolets qu’à la dernière extrémité.

Cependant le moment approchait où il allait être obligé de faire un détour ; car, au milieu du silence, il entendit, dans la direction qu’il suivait, des voix d’hommes qui s’appelaient et se répondaient, en s’invitant à marcher sur la même ligne et à conserver leur distance pour former un plus large cercle.