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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/339

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En dépit du danger de sa position, don Rafael, à jeun depuis longtemps, commençait à ressentir les atteintes de la faim ; mais c’était ce dont il devait le moins s’inquiéter. Dans les bois des parties chaudes de l’Amérique, l’anonier, le corosollier, l’ahuacatier, et bien d’autres arbres encore, se couvrent spontanément, et sans culture, de ces fruits savoureux qui servent à la nourriture de l’homme.

Une fois ces réflexions faites, le colonel n’était pas homme à se consumer en inutiles regrets, et il résolut d’agir.

Il hésita d’abord un instant sur ce qu’il devait faire de son cheval, et il semblait décidé à l’abandonner ; mais il ne tarda pas à se convaincre de l’utilité qu’il en pouvait tirer en s’en faisant, dans sa marche tortueuse à travers les bois, un rempart vivant et mobile derrière lequel il trouverait au besoin un abri contre la balle d’une carabine. Puis, s’il parvenait sain et sauf à la lisière du bois, il lui restait encore la ressource de s’élancer sur son dos et d’échapper, comme la veille, à la poursuite de ses ennemis. Il se disposa donc à aller le chercher.

Le hallier dans lequel il avait attaché le Roncador n’était pas fort éloigné de l’arbre sur lequel il avait passé la nuit ; mais le profond silence qui régnait dans la forêt, qu’on aurait pu croire déserte sans les cris qui s’étaient fait entendre un quart d’heure auparavant, lui fit sentir la nécessité de marcher avec précaution, le moindre froissement d’un buisson pouvant trahir sa présence.

Le colonel s’avançait donc en posant les pieds par terre le plus légèrement possible, lorsqu’un bruit vague de voix parvint à son oreille. Il écouta quelque temps sans que ce bruit se rapprochât sensiblement de lui. Il se mit de nouveau en marche.

Il put enfin gagner le hallier, où il retrouva son cheval. Quoique brûlant de soif et dévoré par la faim, le