Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/370

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Ce dialogue avait lieu près d’une table recouverte d’un zarape de laine que le chef de bandits enleva, et don Cornelio frémit à l’aspect de trois têtes déposées sur cette table.

« Tenez, mon bon ami, voici la tête de notre ami Lantejas qu’on vient de décrocher avec les deux autres du portail de l’hacienda del Valle ; concevez-vous combien il est heureux… pour nous de pouvoir, à la place de la tête de l’insurgé Lantejas, y mettre celle de Lantejas le royaliste ?

— Mais c’est un malentendu ? s’écria le capitaine en essuyant du revers de sa main la sueur froide qui découlait de son front. J’ai l’honneur de servir la cause de l’indépendance.

— Bah ! tout le monde en dit autant, mon bon ami, et à moins de preuves évidentes…

— Ces preuves sont dans la doublure du dolman dont on m’a dépouillé.

— Qui a pris ce dolman ? demanda le chef.

— El Gaspacho, répondit le capitaine, instruit du nom de celui qui l’avait amené.

— C’est un guignon terrible ! s’écria le colonel des colonels ! El Gaspacho vient de recevoir l’ordre de partir en toute hâte pour las Cruces ; qui sait s’il reviendra d’ici à huit jours ? Vous en serez quitte pour votre tête et moi pour le dolman qui m’aurait si bien convenu, car nous sommes de la même taille. Allez ! j’y perds plus que vous, mon bon ami ! »

Un cri terrible retentit dans la vaste salle ; c’était le dernier cri du malheureux qu’on flagellait : il s’avoua vaincu et s’évanouit. Au même moment le baril d’eau-de-vie embrasé jeta une dernière et aveuglante clarté ; la flamme s’éteignit. À la lueur rougeâtre des torches qui continuaient à brûler, le capitaine ne vit plus que des ombres indécises, semblables à celles d’autant de démons qu’il y avait d’assistants. Au milieu d’une atmo-