Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à une hauteur suffisante pour que les soldats, debout sur ce contre-fort, pussent combattre à l’abri du feu des assiégeants. Des almenas ou créneaux, qui n’étaient que le prolongement des pilastres de la muraille d’enceinte, achevaient de donner un aspect de place forte à l’hacienda del Valle.

Une seule pièce de canon avait été hissée sur le rempart intérieur, et les deux autres, chargées jusqu’à la gueule, reposaient sur leurs affûts derrière la porte massive, au cas où l’on fût parvenu à l’enfoncer du dehors, ou bien encore en ouvrant tout à coup les ventaux, pour vomir un double flot de mitraille dans toute la longueur de l’allée d’arbres.

En outre, des meurtrières avaient été pratiquées près de cette porte pour en défendre l’approche, et il en avait été ouvert également dans toute la longueur des quatre murs d’enceinte.

Le lieutenant Veraegui était occupé à jouer aux cartes dans sa chambre, située au rez-de-chaussée, avec un jeune alferez. À côté de lui, sur la table, se dressait une bouteille de l’eau-de-vie formidable de Barcelone, pays de l’officier, blanche et forte comme l’alcool, escortée de deux verres et d’une pile de cigares de la Havane.

Juan el Zapote ne put s’empêcher d’éprouver un moment de malaise quand, des yeux du lieutenant enchâssés sous d’épais sourcils grisonnants comme ses longues moustaches, un regard inquisiteur jaillit et l’enveloppa tout entier.

Le Catalan était un soldat de fortune, rude et grossier comme à son début, trapu, taillé pour porter l’armure plutôt, que l’uniforme de drap.

De l’examen du Zapote, les yeux gris du lieutenant passèrent à celui de Gaspar, dont il se rappela tout de suite la figure.

« Ah ! c’est vous ? dit-il en s’adressant au dernier ; vous avez vu le colonel et vous m’apportez de ses nouvelles ?